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HUDDA et...

La CONcertation

De l’émergence à la généralisation

de la concertation en aménagement du territoire

 

 

Jusque dans les années 1970, les politiques d’aménagement du territoire étaient sectorielles et descendantes, menées directement par des agences étatiques. Le progrès technique aidant, les politiques de grands projets se multipliaient à partir de l’entre-deux-guerres, et visaient essentiellement à répondre aux besoins nationaux, notamment en matière de transport et d’énergie. L’expérience des populations locales, qui vivaient ces interventions comme des rouleaux compresseurs bouleversant leur environnement, était alors le plus souvent ignorée.

 

Ces politiques d’aménagement étaient parfois accompagnées de projets de développement volontaristes pour les populations locales touchées. Mais ces dernières n’étaient pas consultées. Le développement était défini uniquement à partir de normes décidées en haut, dans les couloirs des agences étatiques centrales se sentant investies d’une mission de service public.

 

Le concept de concertation en aménagement du territoire et en environnement a émergé à partir des années 1970-80. Il a d’abord été porté par la société civile aux Etats-Unis, où les grands projets étaient de plus en plus contestés. Ils a également été développé au sein d’ONG intervenant dans les pays du sud, où la population locale ne se sentait pas concernée par les projets de développement, ne se les réappropriaient pas et laissaient alors certains aménagements à l’abandon, sans entretien. Rapidement, des universitaires et des fondations ont monté des programmes afin de développer et diffuser ce nouveau courant.

 

Il s’agissait ainsi de montrer l’intérêt de l’implication de la population locale dans les politiques d’aménagement du territoire. Elle permet d’abord de limiter les conflits et les contestations locales. Elle favorise également la réappropriation des investissements par la population locale, qui se sent alors bien plus concernée. Elle vise en outre à mieux prendre en compte la complexité des projets qui, de plus en plus ambitieux, ne peuvent plus être conçus à partir d’expertises unilatérales.

 

À partir des années 1990, les organisations internationales et de nombreux États dans le monde intègrent dans leurs normes la participation et la concertation. Dans les années 1990, certains États américains prennent des mesures pour intégrer la concertation dans l’implantation de centres de traitement des déchets dangereux. En France, la loi Barnier de 2002 s’intitule « démocratie de proximité », et les politiques de concertation se généralisent en matière d’environnement (notamment pour la gestion des fleuves et de la biodiversité). Dans certains pays d’Afrique subsaharienne (par exemple au Bénin et au Mali), les politiques de décentralisation des années 1990-2000 intègrent également une participation accrue des communautés locales, notamment pour la santé, l’éducation et l’hydraulique.

 

Les organisations internationales ne sont pas en reste. La Déclaration de Rio de 1992 sur l’environnement et le développement édicte plusieurs principes pour la gestion des forêts engageant explicitement à « assurer la participation de tous les citoyens concernés ». Il s’agit concrètement de faciliter l’accès aux informations, mais également de reconnaître l’identité, la culture et les intérêts des communautés locales, en s’appuyant sur leurs connaissances des milieux où ils vivent et en les faisant participer à la mise en œuvre des politiques publiques. Ce principe est également l’objet de deux des dix normes sociales et environnementales des projets financés par la Banque mondiale. Il s’agit concrètement d’informer et d’impliquer toutes les parties prenantes des projets, et de s’assurer de leurs soutiens, mais également de respecter les aspirations et la dignité des communautés locales. Concernant les grands barrages, la Commission mondiale des barrages insiste aussi à de nombreuses reprises dans son rapport de 2000 sur la nécessité d’impliquer les communautés locales à toutes les étapes de la construction des ouvrages, et de s’assurer qu’elles sont convaincues par l’intérêt des projets.

 

L’objectif de Hudda est justement de mieux prendre en compte le point de vue des communautés locales, afin qu’elles ne considèrent pas la construction d’un grand barrage comme une perte, mais comme une opportunité de développement. Ainsi peuvent-elles devenir actrices du projet, et participer à sa réalisation et sa pérennisation.

La concertation : faire participer toutes les parties prenantes de l’aménagement du territoire

 

Jusque dans les années 1970, l’aménagement du territoire était sectoriel et descendant, l’outil principal étant alors la réglementation. Mais progressivement, c’est la concertation qui devient l’approche privilégiée. Il s’agit alors de faire participer l’ensemble des parties prenantes des projets d’aménagement du territoire, grâce à une approche ascendante et l’usage de la contractualisation.

 

L’implication de la population locale peut mobiliser différents types d’actions, parfois complémentaires. Tout d’abord, l’information : les citoyens sont mis au courant des enjeux des projets d’aménagement, par la publication et la diffusion des informations. La consultation est un niveau supérieur, puisqu’il s’agit de demander à la population locale son avis, sans que celui-ci soit pour autant opposable. La concertation implique plus encore les parties prenantes, notamment les citoyens, dont l’opinion constitue alors un paramètre à intégrer impérativement. La médiation, enfin, intervient lorsqu’il y a un conflit ouvert pour la gestion d’une ressource ou un projet d’aménagement, et qu’il faut s’assurer qu’aucune partie prenante ne soit lésée. Pour engager véritablement les parties prenantes, le résultat d’une concertation ou d’une médiation peut être inscrit.

 

La concertation permet ainsi de donner plus de place à la population locale. Elle peut être mise en place à des étapes différentes de la conception et de la réalisation des projets. Parfois, une structure permanente est instituée pour définir par la négociation des projets en commun et prioriser les investissements dans des territoires particuliers et définis en amont. Une concertation peut aussi être mise en place lors de la conception ou la réalisation de certains projets de développement : il peut s’agir de décider de la pertinence même du projet, ou simplement d’adapter ses contours, pour s’assurer que la population locale en soit véritablement bénéficiaire.

 

Hudda intervient justement pour s’assurer que toutes les parties prenantes des grands aménagements hydrauliques s’accordent sur des objectifs communs, afin que toutes soient véritablement actrices des projets. Hudda se centre particulièrement sur le point de vue des communautés locales, qui ont souvent des capacités d’action limitées. Certains acteurs tels que les directions nationales, les constructeurs ou les exploitants n’ont parfois ni le temps ni les moyens de sonder en profondeur les aspirations des habitants. Les collectivités locales, l’administration déconcentrée, la société civile et les autorités coutumières sont souvent au fait des réalités sociales locales, mais n’ont pas toujours les leviers pour faire remonter ces informations. En outre, elles-mêmes actrices de ces réalités sociales, elles risquent de manquer d’indépendance et d’oublier certains groupes d’intérêts laissés pour compte.

 

Il est donc nécessaire qu’une entité extérieure se charge de l’accompagnement des populations et de la concertation avec les autres acteurs de la construction des barrages. Hudda se propose ainsi de découvrir avec les communautés locales les bénéfices dont elles pourraient tirer du projet, mais également de faire remonter leurs voix auprès des constructeurs et des développeurs, afin que ceux-ci puissent intégrer ce paramètre social dans la conception de l’aménagement. Cet accompagnement permet donc une rencontre, afin de prévenir les conflits potentiels et les résistances, et de se retrouver sur un ensemble d’intérêts. Cette intégration des aspirations de la base a en outre l’avantage de favoriser la réappropriation rapide du projet par la population locale, le rendant ainsi plus durable.

 

Cette démarche répond également à un impératif éthique. Désormais, la population locale doit être actrice de son développement, qui ne doit plus répondre à des normes statistiques définies par des acteurs extérieurs au terrain. Les communautés locales ont des membres capables, s’ils sont accompagnés, de définir des besoins à partir des aspirations de la population. Ainsi peuvent être réunis développement et participation, grâce à un partage non seulement des fruits de la croissance économique, mais également des prises de décision.

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